Les mots m'ont pris par la main

Le roman inachevé, Louis ARAGON, 1956



« Si je tourne mes yeux ver ces heures premières
Je ne reconnais plus à leurs gestes déments
Dans l’affolement des lumières
Ceux que nous fûmes un moment »[1]




L’œuvre de Louis Aragon peut être caractérisée par sa durée : elle dure aussi que la vie de son auteur. Voilà pourquoi l’œuvre d’Aragon est aussi définie par sa richesse, ses changements et son évolution : l’activité littéraire a accompagné à Aragon tout au long de sa vie et c’est pourquoi qu’elle évolue en même temps que sa personnalité.
L’auteur se propose à cette occasion de faire le bilan de son existence et il procède par l’exposition des faits et des expériences les plus marquantes de sa vie, comme c’est le cas de son enfance, de la Grande Guerre ou de son époque de jeunesse où Aragon embrassait le mouvement surréaliste. Il développe de cette façon, un exercice d’introspection et de réflexion profonde pour aboutir à une œuvre de maturité personnelle et esthétique.
Fertile en interrogations, Le roman inachevé, peut être défini comme un ouvrage pluriel et ouvert, autant poème, recueil et autobiographie. Aragon accumule délibérément les questions et les contradictions qui l’ont accompagné tout au long de sa vie. 

Louis ARAGON et André BRETON


Chronologiquement, l’œuvre de Louis Aragon peut être divisée en trois phases ou étapes. La première étape coïncide avec la jeunesse de l’auteur, ses expériences avec la langue qui entraînent l’aventure Dadaïste et Surréaliste et elle peut être datée à partir 1917 et jusqu’à la rédaction de Le paysan de Paris (1926). Peu après son adhésion au Parti Communiste, qui aura lieu en 1927, il abandonne le groupe surréaliste et il s’inscrit dans la deuxième phase de sa production, dominée par le réalisme socialiste. C’est ce qui explique le caractère plus militant et engagé de son œuvre à partir des années 30. À partir de 1956, l’œuvre d’Aragon se révèle plus critique et fondée sur une étude métalinguistique. Le processus évolutif de l’œuvre de cet auteur, correspond au passage de sa vie, sa maturité personnelle et la prise de conscience sur l’exercice littéraire.
D’un point de vue formel, et si l’on transfère le schéma précédent au plan de l’œuvre Le roman inachevé, on pourrait constater qu’il s’agit du même squelette conceptuel. En fait, l’œuvre est divisée en trois grandes parties qui pourraient correspondre, plus ou moins, à trois blocs thématiques qui, en même temps, on pourrait faire coïncider avec trois moments de la vie de l’auteur, toujours suivant une direction ascendante vers sa maturité.
Par rapport à la thématique, et toujours suivant le même plan, les trois blocs thématiques que l’on vient d’indiquer, répondent à une exposition de sujets qui suivront aussi un ordre, plus ou moins, chronologique. Dans le premier bloc,  l’auteur commence par des réflexions concertantes à son enfance et à sa jeunesse, pour continuer avec des pensées sur la Première Guerre Mondiale. Avec le titre, énormément significatif, « Les mots m’ont pris par la main », Aragon inaugure la deuxième partie thématique, commençant par son expérience aux côtés du mouvement surréaliste et faisant le point sur des aspects qui ont marqué et déterminé sa vie, comme c’est le cas de l’amour ou le désamour, la vie, ses voyages ou l’errance. Finalement, l’auteur consacre la troisième partie de son ouvrage à une réflexion plus profonde sur sa militance et son engagement politique, ses espérances et ses espoirs, ainsi comme son amour pour Elsa. 





Il s’agit enfin d’une précieuse œuvre qui mêle avec délicatesse la prose au vers, l’autobiographie à l’autoportrait, avec un grand sens critique et une sincérité émouvante.
Louis Aragon dépouille son âme, après l’avoir étudiée et analysée minutieusement, sous la lumière changeante des différentes époques de sa vie pour la montrer après, derrière la voile de la belle écriture qui définira toujours son œuvre, une œuvre qui, comme ce livre concrètement, est inachevée… ou plutôt, qui ne trouve pas de fin dans l’une des personnalités les plus influentes du panorama des littératures du XXème siècle.


 





[1] ARAGON 1956: 87


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