LE GANT DE FEU

Mains, Man RAY, 1925



Donne-moi tes mains pour l'inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi te mains que je sois sauvé
Lorsque je les prends à mon pauvre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fond de partout dans mes main à moi
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Ce qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tresailli
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu
Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme
S'y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement



Les mains d'Elsa; Louis ARAGON


Sans titre; M.RAY, 1931








Peut-être, par sa délicate beauté, par son érotisme caché ou par quelque symbolisme inconnu, les mains, surtout les mains féminines, ont toujours fait l’objet de création plastique et visuelle chez les dadaïstes et les surréalistes.
Plusieurs sont les exemples où les artistes placent des mains au centre de leur œuvre. Chez Man Ray, par exemple, les mains ont toujours été un élément récurrent, fortement éloquent et manifestement expressif et évocateur.  Il s’agit toujours des mains très sensuelles et féminines, même érotiques, parfois énigmatiques, toujours prêtes à toucher et à faire éprouver l’extase surréaliste à celui qui soit prêt à s’en abandonner.



Main; M.RAY, 1931


L’un des éléments qui parsèment l’œuvre d’André Breton, Nadja, dont j’ai eu l’opportunité de parler à plusieurs reprises dans ce site, c’est, sans doute, la main.
Déjà, dans la couverture de l’ouvrage, on voit un dessin que la femme avait fait ; il s’agit d’un autoportrait constitué par sa figure et une main. 

Dessin de Nadja, 1927




Toujours dans cet ouvrage, la femme, obsédée  par cet élément, dit à Breton qu’elle voit une main de feu sur le fleuve. 

« (…) la main aussi, mais c’est moins essentiel que le feu. Ce que je vois c’est une flamme qui part du poignet, comme ceci (avec le geste de faire disparaître une carte) et qui fait aussitôt la main brule, et qu’elle disparaît d’un clin d’œil. »


Cette scène comporte une extrême signification si l’on tient compte que, un peu plus avant, l’auteur parle d’un objet fortement évocateur : toujours une main.  Effectivement, la main commandée par Nadja se trouve dans le récit et, comme on peut voir dans l’image, « avec le geste de faire disparaître une carte ». Cette image est dans le roman avant de l’entrée de Nadja, en remarquant son omniprésence et sa volonté. Mais l’inclusion de cette image dans le roman n’est pas tout à fait une action consciente ou volontaire, simplement, elle se rattache, une fois de plus, au désir de Nadja. En fait, il s’agit du gant de Lise Hirtz, une femme qui, en plus, a montré a Breton un tableau changeant. 
« Je me souviens aussi de la suggestion en manière de jeu faite un jour à une dame, devant moi, d’offrir à la « Centrale Surréaliste », un des étonnants gants bleus ciel qu’elle portait pour nous faire visite à cette « Centrale », de ma panique quand je la vis sur le point d’y consentir, des supplications que je lui adressai pour qu’elle n’en fit rien. »
  





Cette main gantée bleu ciel accompagne le halo surréaliste dont on a été toujours témoin, dans des représentations artistiques de toute sorte.
Toujours dans cette œuvre, l’auteur parle d’une pièce de théâtre qui l’a fortement frappé par son caractère obscur, obsédante, érotique et même sadique. Il s’agit de la pièce de P.Palau, Les détraquées (1921). 65 ans plus tard, J.BARATIER fait une adaptation cinématographique de la pièce sous le nom de L’araignée de Satin. Dans l’une des scènes, Solange, la protagoniste, éteint sa cigarette dans un cendrier  qui a exactement la même forme que cette main gantée dont on vient juste de parler. (minute 19 :47).

L'araignée de Satin, J.BARATIER, 1986.




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Ce sont des ployeuses d'échines,
des mains qui ne font jamais mal,
plus fatales que des machines,
plus fortes que tout un cheval!
RIMBAUD




Liens d'intérêt:
 http://www.cinematheque.fr/fr/dans-salles/hommages-retrospectives/revues-presse/baratier/baratier-araignee_satin.html

A.BRETON; Nadja, Paris, Éditions Gallimard, 1964. 







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