La folie lyrique





“Ce n’est pas la crainte de la folie qui nous forcera à laisser en berne le drapeau de 
l’imagination. [1]»




Dans Le premier Manifeste du Surréalisme, les auteurs commencent leur œuvre avec force et détermination et ils s’adressent à l’homme en tant que « rêveur définitif, de jour un jour plus mécontent de son sort 2», c'est-à-dire ils demandent son attention en admettant que la société qu’il habite vient d’arriver d’une horrible guerre qui a fini avec toutes ses illusions et ses espoirs et qu’il se trouve enfin devant un horizon faible et incertain. Il s’agit alors d’un homme qui rêve (ou qui doit au moins rêver) d’une société distincte et libérée.
Alors, on lui exige de se positionner devant son destin chargé d’imagination et d’un esprit renouvelé. Puisque « parmi tant de disgrâces (…) il faut bien reconnaître que la plus grande liberté d’esprit nous est laissée 3», les auteurs du Manifeste accordent à cette imagination un rôle extrêmement puissant : il n’en reste que l’imagination pour arriver à la complète et absolue libération de l’homme.
Cette première notion est intimement liée à celle de folie. Pour le Surréalisme, la folie c’est l’expression la plus fidèle, la plus féroce et la plus légitime de l’imagination. En effet, ils s’affirment à considérer les malades mentaux comme des « victimes de leur imagination4 ».  De cette façon, la défense et la considération de la folie, son étude et ses expressions seront contemplées comme une source d’inspiration capitale, comme voie d’échappe même5

La Victoire, R.Magritte


Les surréalistes, fascinés par les expressions de la folie, affirment que c’est effectivement là où l’inconscient se révèle ; la pensée fonctionne librement en dehors de toute intervention consciente de la réalité. À ce propos, Breton et Paul Éluard on élaboré des textes en simulant des maladies mentales telles que le délire d’interprétation, la manie aiguë ou la démence précoce6. D’après Breton, l’esprit poétiquement orienté de l’homme « normal » est capable de reproduire à grands traits les manifestations verbales les plus paradoxales et excentriques. Cet esprit peut, selon lui, soumettre les principales idées délirantes sans que cette pratique entraîne aucun trouble durable et sans mettre en péril sa faculté d’équilibre non plus.
Cependant, on sait aussi que pendant l’aventure des Champs Magnétiques, les auteurs se sont sentis effrayés, devant l’allure dangereuse que cela prenait ; au bout de longues et fébriles séances créatrices, ils se sont persuadés que leur intégrité psychique commençait à être menacée et ils ont refusé d’aller plus loin. De même, et revenant à l’époque des sommeils, le groupe surréaliste a arrêté les expériences collectives qui servent à trouver en eux les produits d’une pensée dont ils ignorent l’existence dès qu’ils sont sortis du sommeil, quand cette pratique devient aussi périlleuse et risquée. Par exemple, Benjamin Péret, convaincu qu’il voit de l’eau, se jette à plat ventre sur la table et semble nager. Robert Desnos, pour sa part, s’empare d’un couteau de cuisine et poursuit Éluard et c’est Crevel qui, au cours d’une séance, invite les présents à un suicide collectif. 




Bibliographie d'intérêt:
TLATLI. S., La folie lyrique: essai sur le surréalisme et la psychiatrie, Paris, L'Harmattan, 2004.
La médecine mentale devant le surréalisme,Paris, Le point du jour, 1930.
SEBBAG. G., André Breton et l'amour-folie, Paris, Seuil, 2001.
BRETON. A., Nadja, Paris, Folio, 2007.
BRETON. A., L'amour fou, Paris, Folio, 1937.
BRETON. A. et SOUPAULT PH., L'immaculée Conception, Paris, Gallimard. 1930.



[1] BRETON et SOUPAULT, Premier Manifeste du Surréalisme, 1924.
2  BRETON et SOUPAULT 1962 : 13
[3]  BRETON et SOUPAULT 1962 : 14
[4]  BRETON et SOUPAULT 1962 : 15
[5] A cet égard, l’œuvre La folie lyrique : essai sur le surréalisme et la psychiatrie de S. TLATLI propose une analyse très intéressant. 
 [6] Dans L’immaculée Conception, 1930.






Comentarios

Entradas populares de este blog

Victor Hugo: l'engagement et le Drame Romantique

L'amour jusqu'aux enfers: Eurydice de Jean Anouilh

Los campos magnéticos