Premier manifeste du Surréalisme



« Le rêve n’est rien autre que poésie involontaire »

Le mouvement Surréaliste a pour but de retrouver l’unité perdue d’un monde décomposé et déchiré par les horreurs de la grande guerre. Il tâche de rendre à la poésie l’inspiration et les pleins pouvoirs du langage sans s’occuper de la forme, car « le langage a été donné à l’homme pour qu’il en fasse un usage surréaliste ». Le Surréalisme rêve donc d’une société libre et renouvelée, d’un monde enfin où l’amour et la poésie règnent.
Si l’on considère le premier Manifeste du Surréalisme en tant que point de départ du mouvement, il faudrait souligner que les préceptes y accordés donnent lieu à un vrai bouleversement de la définition traditionnelle de littérature, de tout ce qui l’entoure et de tout ce qu’elle englobe.  Le Surréalisme signifierait alors la frontière taxonomique existante entre la raison et l’irrationnel qui unifie et rattache en même temps le visible et l’invisible, le réel et l’imaginaire, la logique et le hasard, la veille et le rêve.
Le fait d’ « exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée [1]» met l’accent sur la création littéraire, sans oublier néanmoins le reste des expressions créatrices. L’activité littéraire surréaliste est dépourvue de « tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale ». Il s’agit alors d’un procédé bâtisseur en totale et complète liberté, d’une inspiration créatrice  qui provient des domaines les plus cachés de l’inconscient. Les possibilités créatrices qui offrent la surréalité dépassent la logique, l’ordre et la raison ; elles se débordent.
Analysons de plus près les préceptes qui parsèment cet ouvrage et la relation qu’ils entretiennent.
Les auteurs commencent leur œuvre avec force et détermination et ils s’adressent à l’homme en tant que « rêveur définitif, de jour un jour plus mécontent de son sort [2]», c'est-à-dire ils demandent son attention en admettant que la société qu’il habite vient d’arriver d’une horrible guerre qui a fini avec toutes ses illusions et ses espoirs et qu’il se trouve enfin devant un horizon faible et incertain. Il s’agit alors d’un homme qui rêve (ou qui doit au moins rêver) d’une société distincte et libérée.
Alors, on lui exige de se positionner devant son destin chargé d’imagination et d’un esprit renouvelé. Puisque « parmi tant de disgrâces (…) il faut bien reconnaître que la plus grande liberté d’esprit nous est laissée [3]», les auteurs du Manifeste accordent à cette imagination un rôle extrêmement puissant : il n’en reste que l’imagination pour arriver à la complète et absolue libération de l’homme.
Cette première notion est intimement liée à celle de folie. Pour le Surréalisme, la folie c’est l’expression la plus fidèle, la plus féroce et la plus légitime de l’imagination. En effet, ils s’affirment à considérer les malades mentaux comme des « victimes de leur imagination[4] ».  De cette façon, la défense et la considération de la folie, son étude et ses expressions seront contemplées comme une source d’inspiration capitale, comme voie d’échappe même[5].
Le troisième pilier fondateur de l’idéologie surréaliste vient déterminé  par les théories freudiennes et, notamment, par la valeur accordée à l’inconscient. À cet égard, la pratique surréaliste doit tenir compte que l’inconscient désire de se manifester et il faut alors le considérer comme vrai et absolu matériau de travail. Freud a découvert une partie du monde intellectuel grâce à la quelle une nouvelle courant d’expression pourra nous permettre d’avancer et  de dépasser les réalités les plus évidentes.  C’est l’inconscient qui se dévoile dans le rêve, où les éléments les plus dissemblables se révèlent unifiés par des relations secrètes. Le Surréalisme se propose donc de transposer ces images offertes par l’inconscient au domaine de l’art à travers d’un exercice mental libre. 
Le Surréalisme c’est le synonyme parfait de révolution et de bouleversement. Il signifie aussi une vraie révolte contre le rationalisme, contre le réalisme dans l’art. De cette façon, le Manifeste prône l’abolition de la description traditionnelle dans le récit. Il n’assume aucune tradition ni du point de vue thématique ni dans l’aspect formel. L’exercice d’écriture surréaliste doit enrichir la conscience poétique à partir d’une pratique libre. Pas de contenu, pas de logique, pas de forme littéraire. Il ne s’agit plus de produire des œuvres littéraires, mais des témoins du passage courant intérieur. L’« automatisme psychique pur » consiste à transcrire des images associées sans aucun rapport logique apparent, il s’agit de la manifestation libre et réelle de la pensée en elle-même.
D’un autre côté, la littérature doit être imprégnée du merveilleux. C’est concept un peut ambigu a priori, a à voir avec la notion de littérarité d’une œuvre ; ce qui la rend différente, admirable et remarquable. Le merveilleux c’est plutôt un halo qui entoure l’œuvre, une irradiation changeable et mouvante selon l’époque. D’après Breton dans le Dictionnaire abrégé du Surréalisme,  «  le merveilleux est toujours beau, n’importe quel merveilleux est beau, il n’y a même que le merveilleux qui soit beau[6]



Le premier Manifeste du Surréalisme débarque dans une époque changeante et confuse comme une vraie déclaration d’intentions. Le mouvement Surréaliste, avec sa forte et définie idiosyncrasie, s’affirme à travers l’une des œuvres les plus influentes du XXème siècle. Comme on a dit plus haut, il s’agit du point de départ du mouvement littéraire, artistique, et idéologique le plus puissant de toutes les époques : la révolution surréaliste. 





[1]  BRETON et SOUPAULT  1962 :36
[2]  BRETON et SOUPAULT 1962 : 13
[3]  BRETON et SOUPAULT 1962 : 14
[4]  BRETON et SOUPAULT 1962 : 15
[5] A cet égard, l’œuvre La folie lyrique : essai sur le surréalisme et la psychiatrie de S. TLATLI propose une analyse très intéressant.
[6]  A.BRETON et P.ÉLUARD; Dictionnaire abrégé du Surréalisme, Paris, José Corti, 2005. Page 17.

Comentarios

Entradas populares de este blog

Victor Hugo: l'engagement et le Drame Romantique

L'amour jusqu'aux enfers: Eurydice de Jean Anouilh

Los campos magnéticos