À la recherche de la liberté perdue

 À l'inspiration naïvement dadaïste d'Alonso
 

C'est n'est pas la crainte de la folie qui nous forcera à laisser en berne le drapeau de l'imagination
 André Breton, Premier Manifeste du Surréalisme 


IMAGINATION, FOLIE ET LIBERTÉ

La marquise Casati, Man Ray, 1922
Dans le Premier Manifeste du Surréalisme, ses auteurs affirment reconnaître que les fous sont des « victimes de leur imagination ». Dans leur monde imaginaire, les aliénés sont des sourds qui n’écoutent pas les critiques et qui ne se soucient pas des punitions qu’ils souffrent dans les centres de réclusion. Breton ajoute d’ailleurs que, en tout cas, les hallucinations, les visions et toutes les manifestations de la folie signifient une extraordinaire source d’inspiration et de plaisir.
Les surréalistes, fascinés par les expressions de la folie, affirment que c’est effectivement là où l’inconscient se révèle ; la pensée fonctionne librement en dehors de toute intervention consciente de la réalité. À ce propos, Breton et Paul Éluard on élaboré des textes en simulant des maladies mentales telles que le délire d’interprétation, la manie aiguë ou la démence précoce. D’après Breton, l’esprit poétiquement orienté de l’homme « normal » est capable de reproduire à grands traits les manifestations verbales les plus paradoxales et excentriques. Cet esprit peut, selon lui, soumettre les principales idées délirantes sans que cette pratique entraîne aucun trouble durable et sans mettre en péril sa faculté d’équilibre non plus.
Cependant, on sait aussi que pendant l’aventure des Champs Magnétiques, les auteurs se sont sentis effrayés, devant l’allure dangereuse que cela prenait ; au bout de longues et fébriles séances créatrices, ils se sont persuadés que leur intégrité psychique commençait à être menacée et ils ont refusé d’aller plus loin. De même, et revenant à l’époque des sommeils, le groupe surréaliste a arrêté les expériences collectives qui servent à trouver en eux les produits d’une pensée dont ils ignorent l’existence dès qu’ils sont sortis du sommeil, quand cette pratique devient aussi périlleuse et risquée. Par exemple, Benjamin Péret, convaincu qu’il voit de l’eau, se jette à plat ventre sur la table et semble nager. Robert Desnos, pour sa part, s’empare d’un couteau de cuisine et poursuit Éluard et c’est Crevel qui, au cours d’une séance, invite les présents à un suicide collectif.

 Le concept de folie est intimement lié à celui d’imagination. Toujours dans le Manifeste, les auteurs commencent leur œuvre avec force et détermination et ils s’adressent à l’homme en tant que « rêveur définitif, de jour un jour plus mécontent de son sort [1]», c'est-à-dire ils demandent son attention en admettant que la société qu’il habite vient d’arriver d’une horrible guerre qui a fini avec toutes ses illusions et ses espoirs et qu’il se trouve enfin devant un horizon faible et incertain. Il s’agit alors d’un homme qui rêve (ou qui doit au moins rêver) d’une société distincte et libérée.

Alors, on lui exige de se positionner devant son destin chargé d’imagination et d’un esprit renouvelé. Puisque « parmi tant de disgrâces (…) il faut bien reconnaître que la plus grande liberté d’esprit nous est laissée [5]», les auteurs du Manifeste accordent à cette imagination un rôle extrêmement puissant : il n’en reste que l’imagination pour arriver à la complète et absolue libération de l’homme. 


Bientôt, les manifestations créatrices du mouvement se verront montrées dans le cadre d’expositions ou de représentations publiques, normalement provocatrices et fortement contestataires. Il s’agit de pousser l’imagination et l’inspiration jusqu’à son degré le plus extrême, provoquant chez le spectateur une réponse révulsive  envers l’art.
A ce sujet, il ne faut pas oublier les spectacles développés par Hugo Ball qui, engoncé dans son costume cubiste de carton qu’il avait conçu avec Janco, récitait des « poèmes abstraits ».





Toujours dans cette voie, dans celle de l’imagination en tant que synonyme de liberté absolue, Lors van Trier, dans son film Les Idiots (Idioterne, 1998) plonge dans ce concept à la recherche de « son idiot intérieur ». Il s’agit de l’expression de soi-même « hors de toute préoccupation morale ou esthétique ».
Très proche de la théorisation que l’on vient de voir, ce film propose et demande à l’homme de se positionner devant son mécontentement face à la société, de prendre conscience du rôle qu’il doit interpréter, un rôle proche de la naïveté, de l’esprit enfantin dépourvu de honte, de règles et de normes, très proche de la folie ou de l’aliénation mentale enfin. Cette conduite donnera lieu à une réponse subversive et provocatrice qui entraîne son implication active.
Les protagonistes du film, représenteront donc des scènes, toujours en public, en simulant des maladies mentales, provoquant le dégout et le rejet des gens qui assistent à ces performances improvisées.
En tout cas, pour trouver la source et le sens du film, il faudrait aller chercher à la racine semée par les surréalistes et dadaïstes, son goût et sa défense profonde de la liberté absolue, dont l’homme est le seul responsable. 







[1]  BRETON et SOUPAULT 1962 : 13
[2]  BRETON et SOUPAULT 1962 : 14

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